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31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 16:29

La finance théorique est née en 1973 avec les travaux de M. Fischer Black et de M. Myron Scholes, qui mettaient en rapport le prix implicite d'une option et les variations de l'actif auquel elle est liée. Les aspects mathématiques du modèle seront développés peu après par M. Robert Merton, et la formule Black-Scholes - parfois représentée sous le nom de Black-Scholes-Merton (BSM) - et ses différentes déclinaisons serviront de fondement à la création d'un nombre infini de produits dérivés. Ces travaux s'inspiraient eux-mêmes d'une thèse rédigée en 1900, sous la direction d'Henri Poincaré, par le mathématicien français Louis Bachelier.

Deux autres influences méritent également d'être mentionnées: Milton Friedman et Eugene Fama. M. Friedman, ardent promoteur du libéralisme pur et dur, figure de proue de l'école de Chicago, affirmait qu'il n'était pas nécessaire qu'un modèle soit fondé sur des données réalistes: il suffisait que ses prédictions soient jugées exactes. M. Fama, quant à lui, également de l'université de Chicago, avait dès la fin des années soixante émis l'hypothèse que les marchés étaient "efficients", hypothèse qui, transformée en dogme, imposa la tautologie comme mode de raisonnement.

Par ailleurs, toute intervention de l'Etat devenait, par définition, facteur d'inefficience.

La finance théorique obtient ensuite la consécration suprême en 1997, lorsque MM. Scholes et Merton reçurent tous les deux le "prix Nobel" d'économie (Black, décédé deux ans plus tôt et donc inéligible, était cité pour sa contribution). Hélas, moins d'un an plus tard, le fonds spéculatif Long Term Capital Management (LTCM), né de leurs travaux et dont ils étaient les partenaires les plus célèbres, s'effondrait, menaçant d'emporter dans sa chute plusieurs grands établissements financiers internationaux. Seule une interventin coordonnée par la Réserve fédérale de New York évita la catastrophe. Lorsqu'on demanda à M. John Meriwether, trader de légende et fondateur de LTCM, s'il pensait que les marchés étaient réellement efficients, il répondit: "Je les rends efficients".

Les marchés connurent bien d'autres frayeurs dues aux interventions des "prodiges" financiers, sans que cela empêche 'l"innovation" de toujours repartir de plus belle. Le dogme avait tout simplement envahi les institutions financières, les écoles de gestion et les gouvernements. Les petits génies qui, avec leur assurance de maîtres du monde, prétendaient gérer "scientifiquement" le risque ne sont pas sans rappeler "les meilleurs" et " les plus intelligents" qui, par leur gestion tout aussi scientifique de la guerre, provoquèrent l'enlisement américain au Vietnam.

Pourtant, la contre-révolution n'est pas pour demain. Le succès des 'quantitative analysts' (quants) tient à la conjonction de deux facteurs: les intérêts des intervenants financiers et les promesses de l'alchimie. Mandelbrot: "Les financiers sont très attachés à cette théorie d'une simplicité merveilleuse, que l'on peut apprendre en quelques semaines et dont on peut vivre ensuite toute sa vie".

Quant à l'alchimie, elle a, depuis la nuit des temps, séduit les esprits. Par le biais des équations et des algorithmes, elle transmute le plomb des créances pourries en titres d'or notés AAA. Certaines fictions sont utiles, mais certains mensonges ne sont que scandaleux: ainsi l'innovation, comme aimait à l'expliquer Alan Greenspan avant son mea culpa de 2008, crée-t-elle de la valeur, et la valeur justifie, bien entendu, les bonus...

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